Il y a plusieurs mois j’ai réussi à piraté l’adresse steffi_stahl@hotmail.com qui se trouvait être dans le listing de Constantin Film comme vous le savez. Je n’avais aucune raison particulière de choisir cette victime, sinon que c’était un paris prometteur. J’ai ensuite utilisé cette adresse en écrivant entre les lignes qu’Emma Watson avait signé pour l’adaptation de Cinquante Nuances de Grey, en prenant soin de bien dissimuler l’information dans un email de courtoisie. Je n’avais aucun moyen de savoir si Constantin Film allait être victime d’une future attaque informatique. Lorsque Anonymous Germany les a piraté, ceux-ci ont d’abord publié le listing de Constantin Film. Il était essentiel d’en faire partit, puisque cela permettait qu’Anonymous prenne au sérieux l’information que j’avais glissé dans la quantité de courriers récupérés durant l’attaque informatique et qu’ils ont « découvert » la semaine suivante.
Je vous recommande avec chaleur « C’était notre terre« , un roman de Mathieu Belezi, Albin Michel.
A travers l’histoire de la famille de Saint-André, des colons français devenus pieds noirs, toute l’horrible tragédie de l’Algérie. Le grand père féroce, comme sa fille ; le gendre ivrogne qui baise tout ce qui lui tombe sous la main, et cravache les autres. Le fils, qui hait sa mère au point de passer du côté des fellaghas, et de mourir sous la torture des parachutistes. Les filles, l’une mémé un peu nunuche qui ne comprend pas bien ce qui se passe, l’autre homosexuelle interdite de pratique qui termine sa vie dans un couvent de bénédictines. Et une nounou kabyle qui porte derrière son front toute l’histoire des autres.
En soi, l’histoire est à la fois classique et pas ordinaire. Personne n’est gentil, personne n’est méchant. Barbares, bourreaux, victimes, ils sont tout à la fois, ils glissent sur la pente de leur destin méditerranéen. Pas de nostalgie déplacée, le portrait de l’Algérie post coloniale, juste avant l’indépendance, est noir. Plus que noir. Mais tel n’est pas vraiment l’aspect essentiel de ce roman. Sa totale originalité tient dans l’écriture… Pas un seul point d’un bout à l’autre du livre, pas une seule majuscule pour ouvrir une phrase, les ponctuations sont seulement marquées par le passage à la ligne d’un paragraphe à l’autre. Pas de lyrisme malgré la volonté de conter une saga, une odyssée. Chaque personnage parle avec sa propre voix, sauvage, féroce, lamentable, le romancier avance dans son histoire sans le moindre souci de la chronologie. Et c’est magnifique.
Ancien professeur de géographie et mathématicien, Mathieu Belezi n’a jamais vécu en Algérie, puisqu’il est né – prétend-il – dans un avion entre l’Algérie et la France, en 1957 si l’on en croit son âge. Il aurait passé sa jeunesse en Limousin. Mais on a du mal à le croire, tant il décrit si bien, avec tant de précision une Algérie presque fantasmée dans sa tête.
» … qu’ils sachent bien qu’on ne peut jouer indéfiniment à l’amnésique, qu’un jour ou l’autre l’histoire se vengera, comment ? je n’en ai aucune idée, mais qu’ils soient sûrs qu’elle se vengera d’eux, l’histoire et les morts qui en sont comme l’arrière-cour, tous ces morts enterrés dans les cimetières d’Alger, d’Oran, de Mostaganem, de Blida, d’Orléansville et de Cassagne, et qui appellent avec leurs voix de mort et qui jugent à l’aune de leurs os rongés de solitude, et qui condamnent et vouent aux gémonies ces générations aux yeux aveugles, aux oreilles bouchées, aux ventres tant égoïstes que nous leurs parents nous en rougissons de honte… »