Il y a plusieurs mois j’ai réussi à piraté l’adresse steffi_stahl@hotmail.com qui se trouvait être dans le listing de Constantin Film comme vous le savez. Je n’avais aucune raison particulière de choisir cette victime, sinon que c’était un paris prometteur. J’ai ensuite utilisé cette adresse en écrivant entre les lignes qu’Emma Watson avait signé pour l’adaptation de Cinquante Nuances de Grey, en prenant soin de bien dissimuler l’information dans un email de courtoisie. Je n’avais aucun moyen de savoir si Constantin Film allait être victime d’une future attaque informatique. Lorsque Anonymous Germany les a piraté, ceux-ci ont d’abord publié le listing de Constantin Film. Il était essentiel d’en faire partit, puisque cela permettait qu’Anonymous prenne au sérieux l’information que j’avais glissé dans la quantité de courriers récupérés durant l’attaque informatique et qu’ils ont « découvert » la semaine suivante.
Dès la fin du procès Colonna, j’ai pris contact avec un ami éditeur avec lequel j’ai beaucoup travaillé par le passé, afin de lui proposer un projet de livre à partir de l’affaire Colonna, de l’enquête au procès et des leçons qu’on peut en tirer sur le fonctionnement de la justice criminelle en France.
Mon ami m’a reçu avec chaleur. Je lui ai proposé un premier projet qu’il m’a demandé d’amender, avec juste raison d’ailleurs.J’ai modifié mon propos que je lui ai envoyé.
Et puis, plus rien. Comme si tout projet de bouquin évoquant la Corse devait se heurter à l’hotilité générale.
En rappelant que j’ai déjà publié une quinzaine de bouquins, ce qui signifie que je ne suis pas un amateur, de nouveau, le silence. Je tiens à vous mettre au courant en vous communiquant l’essentiel de mon projet.
J’aimerais si possible que vous me transmettiez votre point de vue
Derrière le berger corse, la Justice d’Etat
§ Il n’est pas forcément évident de revenir sur cette longue saga de l’affaire Colonna, commencée en février 1998, et toujours pas achevée puisque toutes les voies de recours judiciaires ne sont pas épuisées.
Pourquoi proposer de reprendre ce dossier, de raconter le procès vécu au jour le jour par l’auteur ; pourquoi replacer ce récit dans son contexte ?
§ Préambule en forme d’ouverture : Faites entrer l’accusé, l’accusé dans sa cage de verre. Le quatrième procès d’assises sur la même affaire : l’assassinat du préfet Erignac. Peu importe que l’accusé soit coupable ou non. L’enjeu du procès n’est pas dans l’enceinte de la Cour d’assises. Il dépasse, et de loin, la personnalité somme toute modeste de celui qu’on a coutume de désigner comme le « berger corse ».
Portrait en buste dans une cage de verre.
Qui et Yvan Colonna. Une relation douloureuse entre un père et un fils corses. Déchirés par la politique et réconciliés par la tragédie. Pourquoi est-il retourné au village comme berger ?
Yvan Colonna se réinstalle sur ses terres. Il devient pion, maître-nageur, coupeur de bois et finalement berger. Militant corse surtout. Pourquoi ce retour aux sources «Ma région me manquait», lâchera-t-il laconiquement devant les juges. Propos lapidaires. On ne parle pas beaucoup en Corse. La chronologie judiciaire, elle, est plus éloquente. Elle montre que, lorsque le paternel revêt l’écharpe tricolore, le fiston enfile la cagoule nationaliste. Tuer le père d’abord. Et à travers lui cette France qui décide de tout.
Yvan connaît sa première arrestation en 1983 pour avoir accusé par voie de tract un sénateur d’être un assassin. Il est relâché. Ses compagnons du FLNC sont inculpés pour reconstitution de ligue dissoute. Quelques mois plus tard, la police retrouve l’arsenal du parfait petit poseur de bombes dans la propriété familiale des Colonna. Il affirme s’être ensuite retiré du militantisme actif.
Mais, selon l’accusation, son retrait proclamé cache en réalité son glissement progressif vers la dissidence. Les germes d’une cellule dormante, dans le secteur de Cargèse, réputée abriter l’élite des poseurs de bombes corses, sont là
Rappel rapide des faits, selon les éléments recueillis durant les audiences
Le 6 février 1998 à Ajaccio, meurtre prémédité d’un préfet de la République.
La personnalité du préfet Erignac et de son épouse
Les enquêtes menées dans les jours qui ont suivi, telles que j’ai pu les reconstituer.
La dénonciation du Président Sarkozy
Pourquoi cette dénonciation en forme de dépit ?
La revendication du meurtre par un « groupe des anonymes ».
Les enquêtes bâclées des différents services de police. La « piste financière et agricole » suggérée par le premier enquêteur ?
Les enquêtes à charge des juges d’instruction : Bruguière, Thiel, LeVert
Les arrestations
Les arrestation du « groupe du Nord »
Première partie – Un procès extravagant
Tout au long d’une extravagante saga, l’accusation contre Yvan Colonna va émerger avant de s’affirmer au cours d’une procédure criminelle parfaitement exceptionnelle et sans précédent.
En effet, il faudra trois services de police plus ou moins en rivalité entre eux, trois instructions menées par trois juges et quatre procès avant d’aboutir à… rien du tout.
Selon la loi, selon les débats on ignore toujours qui a tué le Préfet Erignac. Seule certitude absolue, que personne ne conteste, ne peut contester et que je rappelle : le Préfet a été assassiné de trois balles dans la nuque aux environs de 20 h 56 le 6 février 1998.. Mais qui portait l’arme ? Aucune certitude, rien qu’une intime conviction des trois juges d’instruction, des vingt et un magistrats du siège qui ont jugé ; des six procureurs qui ont requis ; des avocats des parties civiles qui se sont relayés pour porter les plus graves accusations. Sans grand fondement et souvent d’une façon assez fantaisiste, comme nous aurons l’occasion de le constater.
On a accusé l’auteur de ces lignes, on l’accuse encore pour ne pas dire qu’on « l’incrimine », d’être de parti pris, d’avoir choisi le camp d’Yvan Colonna contre Dominique Erignac et l’accusation.
Je n’ai pas choisi de camp car je ne suis toujours convaincu de rien. Ni culpabilité, ni innocence.
« Toi qui le croit innocent, m’a lancé le procureur Kross dans les couloirs du Palais de Justice, qu’est-ce que tu crois ? »
Inlassablement répétée, ma réponse, , est simplissime.
« Je ne crois rien, et je n’ai pas plus d’élément que toi pour affirmer qu’il est coupable ou innocent. »
Après huit semaines d’audience, je dois avouer que je ne suis pas plus avancé qu’avant. Ni dans les faits, ni en mon âme et conscience, comme on dit.
En soi c’est un fait capital : Yvan Colonna a été condamné sur la base de témoignages flous, de faits mal établis.
Est-ce prendre parti que de mettre en évidence cette vérité ?
Pour comprendre : Après quinze mois d’une enquête émaillée de rivalités entre les différents services de police, six hommes considérés comme les membres du commando, moins le tireur présumé, seront interpellés en mai 1999.
Lors de leur garde à vue, l’un après l’autre il est développé dans la procédure que ces six hommes vont reconnaître les faits. Une action décidée, selon des aveux concordants, au cours de la deuxième quinzaine de janvier lors d’une réunion clandestine.
Dès ce niveau s’installe de premières incertitudes.
Cette réunion a-t-elle bien eu lieu ? Où ? Quand exactement ? Dans quelles conditions les « aveux » ont-ils été obtenus ? Comment ont-ils été corroborés par des témoignages de leurs proches ?
Les deux premiers procès contre Castela et Andriuzzi
La chasse à Colonna
Le premier procès Colonna
Le deuxième procès Colonna : comment on est passé d’une apparence de procès à un procès leurre.
La condamnation n’était pas inévitable, elle était programmée : la « confidence » du Procureur.
Deuxième partie – La foudre de Jupiter, l’Etat français.
La Justice dans son grand apparat est chargée de mener cette mission à bien. La législation antiterroriste et ses errements.
A cet égard, il est presque dommage qu’Yvan Colonna soit corse. Corse, donc vilipendé. Sinon son procès aurait beaucoup plus tôt pris les dimensions d’un incommensurable scandale d’Etat.
Comme il est corse, « c’est spécial » me confie un avocat. Suffirait-il d’être corse pour ne pas exister au regard de la Justice, des Magistrats, des observateurs ?
La justice d’Assises – et la justice correctionnelle – instruments majeurs pour imposer la loi de l’Etat
Les documents détournés de Guantanamo
La question majeure des témoignages, fondatrice dans tous les procès en Assises
Outreau. La commission d’enquête remet en cause les conditions de l’instruction.
La Josacine
Les « six violeurs de Dijon ».
L’affaire Viguier. Le problème particulier des garde-à-vue. Pourquoi filmer les garde-à-vue
Le problème de l’intime conviction, une pratique moyen-âgeuse.
Le jury
Le jury en matière anti-terroriste
La législation anti-terroriste et la préservation des libertés. Citation de Le Carré : les libertés contre l’efficacité.
Troisième partie – Les racines de la Violence. Les positions totalement incompatibles des parties en Corse : la politique de Paris et de ses « alliés » dans l’île, contre la lutte âpre des indépendantistes qui dure maintenant depuis 1960, retour des rapatriés et attribution de terres dans la plaine orientale. Les efforts des groupes affairistes pour développer une Corse tout touristique. Le PADUC.
L’affaire Christian Clavier, plus symbolique l’affaire de la villa Aboulker. Les Corses nationalistes craignent d’être marginalisés dans leur île. Lutte contre les promoteurs, contre ceux qui ne nous regardent pas.
Ce que les Corses tiennent pour une main-mise des Continentaux sur leur paradis corse. Les conséquences du retour des pieds noirs, notamment à Carghese : ceux qui sont revenus contre ceux qui son restés.
Les propos vengeurs de Christophe Barbier en disent long sur l’idée des Continentaux à propos de la Corse.
L’assassinat du préfet Erignac a été le point d’orgue d’une âpre bataille qui se déploie alors depuis un quart de siècle. Dans le contexte particulier d’une politique considérée par une minorité nationaliste corse comme un « ethnocide »
Si elle prend de graves proportions en Corse, elle n’est pas propre à la Corse : où il apparaît clairement que l’entreprise de la colonisation française connaît en Corse un de ses ultimes soubresauts, après avoir laminé toutes les autres civilisations progressivement intégrées à la France.
Au demeurant glorifiée par Victor Hugo, retour sur la politique de conquêtes dites jacobinistes, qui ont accompagné la construction de l’Etat français. Jules Ferry et la prise suivie de destruction du Palais d’Eté. La pratique coloniale. Comment les « peuples asservis » ont été mis en première ligne pendant la première Guerre mondiale. On baraguine dans les tranchées. Les conquérants de l’Empire étaient aussi les premières victimes de l’Empire. Quand cette pratique coloniale s’est effondrée avec les défaites coloniales. Mais il restait un champ de manœuvre et d’action : les provinces rebelles.
Un laminage socio-culturel contraire aux principes fondamentaux définis par la Communauté européenne qui affirme que chaque pays doit assurer non seulement la protection de ses minorités mais en outre la survie de leur patrimoine culturel.
La mission du préfet Erignac selon sa lettre-confession, lue lors du premier procès Colonna, aujourd’hui oubliée.
« Ceux d’en face », ceux qu’on qualifie de terroristes, se sont également fixés leur mission
La « recolonisation » de la Corse avec les rapatriés d’Algérie. Carghese : on y revient. Il est logique que les conjurés soient originaires de cette bourgade.
Les vitupérations de Barbier, les manifestations d’avril 2009 à Ajaccio et Bastia, l’action constante des Basques de l’ETA et de leurs supporters français démontrent qu’on n’en a pas tout à fait fini avec ce divorce radical.
Epilogue : dans la même enceinte des Assises, des « bergers basques », des militants de l’organisation basque ETA sont jugés en juillet 2009. Ce nouveau procès de l’antiterrorisme apparaît comme une répétition de février 2009. Et nous n’oublierons pas non plus les poursuites suivies de condamnations plus ou moins sévères et peu argumentées contre les hyper gauchistes français ; contre les militants islamistes sortis de Guantanamo…
Et toujours en Assises, en avril 2009 quatre ans de prison pour trois petits attentats sans victime, dont l’un non reconnu. C’était le FLNC du 22 octobre.
Dans tous les cas, il ne s’agit jamais de justifier, de participer à des actions de soutien, mais bien d’expliquer, de donner à comprendre.
Annexes : documents
Les participants à la Cour d’Assises de Paris, spécialement composée, 9 février 2009
Communiqué des avocats d’Yvan Colonna, 27 mars 2009
Bibliographie
Liste des acteurs, indispensable pour comprendre le texte
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