Il y a plusieurs mois j’ai réussi à piraté l’adresse steffi_stahl@hotmail.com qui se trouvait être dans le listing de Constantin Film comme vous le savez. Je n’avais aucune raison particulière de choisir cette victime, sinon que c’était un paris prometteur. J’ai ensuite utilisé cette adresse en écrivant entre les lignes qu’Emma Watson avait signé pour l’adaptation de Cinquante Nuances de Grey, en prenant soin de bien dissimuler l’information dans un email de courtoisie. Je n’avais aucun moyen de savoir si Constantin Film allait être victime d’une future attaque informatique. Lorsque Anonymous Germany les a piraté, ceux-ci ont d’abord publié le listing de Constantin Film. Il était essentiel d’en faire partit, puisque cela permettait qu’Anonymous prenne au sérieux l’information que j’avais glissé dans la quantité de courriers récupérés durant l’attaque informatique et qu’ils ont « découvert » la semaine suivante.
Philippe Madelin
Rue89
Françoise Rudetzki veut rester présente
Françoise Rudetzki a passé la main, mais elle entend que son action perdure. Tel est le sens d’une réaction à l’article que je lui ai consacré lorsqu’elle a démissionné de SOS attentats.
Compte tenu de sa personnalité, de son combat et des souffrances subies, il apparaît juste et nécessaire de s’effacer derrière son propos que je reproduis tel qu’elle me l’a adressé.
L’article de Philippe Madelin m’a beaucoup touchée et c’est à ce titre que je prends la peine d’y apporter quelques précisions de forme et de fond quant au passé et à l’avenir.
Pour la petite histoire, j’ai subi 66 interventions chirurgicales à ce jour, d’autres restent à venir…
Plus important, je souhaiterais rendre hommage au premier juge d’instruction qui a accordé une place aux victimes dans les procédures judiciaires liées au terrorisme : M. Gilles Boulouque, en charge de l’instruction des dossiers des attentats commis entre le 7 décembre 1985 et le 17 septembre 1986 à Paris.
Dans son sillage, tous les juges d’instruction qui se sont succédé et ceux qui sont toujours en place à la galerie Saint Eloi se sont attachés à organiser des réunions d’information avec les parties civiles sans que des liens privilégiés se nouent entre les uns ou les autres, dans le plein respect des rôles de chacun et de nos règles de droit.
Donc ma décision puis celle de l’Assemblée générale de S.O.S. Attentats sont indépendantes de celle de M. Jean-Louis Bruguière.
Bien évidemment, je ne jette pas « l’éponge » et je ne me « retire pas de la scène publique » mais je constate que l’association, en dépit de ses acquis, n’avait plus les moyens de fonctionner et d’assurer ses missions face aux enjeux actuels. Le cadre associatif est, en France, trop fragile et trop précaire.
S’agissant du terrorisme, d’autres solutions plus pérennes doivent être recherchées en liaison avec les pouvoirs publics mais aussi avec les grandes entreprises en France ou à l’étranger.
Par ailleurs, je reste membre du Conseil d’administration du Fonds de garantie en charge de l’indemnisation des victimes du terrorisme et d’autre infractions. Je transmettrai mon expérience à d’autres structures qui devront nécessairement être mises en place en cas d’attentats majeurs, sans oublier les formations professionnelles et les organes internationaux.
Rappelons que mortifié par de multiples attaques personnelles liées à son enquête sur les attentats terroristes commis à Paris en 1986, le juge Gilles Boulouque s’est donné la mort en décembre 1990 en se tirant une balle dans la bouche avec son arme de service.
Françoise Rudetzki jette l’éponge
La démarche est assez stupéfiante : Françoise Rudetzki, l’inlassable combattante des victimes du terrorisme a décidé ce week-end d’autodissoudre son association, SOS Attentats. Les victimes n’auront donc plus de visage.
Au fil des années on s’était habitué à voir sa silhouette cassée sur des cannes hanter toutes les cérémonies commémoratives du terrorisme. Victime en 1983 d’un terrible attentat toujours non élucidé, alors qu’elle avait trente-cinq ans, ayant eu à subir vingt-deux opérations pour se reconstruire, et atteinte du SIDA par transfusion, Françoise Rudetzki avait depuis consacré sa vie à son action. Elle avait fondé cette association en 1986 pour venir en aide à toutes les victimes du terrorisme.
D’emblée elle avait bénéficié du soutien sans faille du juge Jean-Louis Bruguière. Avec son appui constant, mais aussi avec celui de la presse unanime, en vingt-deux ans elle a pratiquement réussi à imposer un véritable statut juridique des victimes : leur indemnisation par la création d’un fonds de garantie, la création d’une contribution de solidarité nationale sur les contrats d’assurance qui finance l’indemnisation intégrale des préjudices physiques, psychologiques et économiques subis par les victimes, quelle que soit leur nationalité, et par les Français de l’étranger, c’est elle ; la reconnaissance du statut de victime civile équivalent à celui des victimes de guerre et la possibilité pour les associations de se porter parties civiles lors des procès, offerte par une loi de 1990, c’est elle. Le mémorial de toutes les victimes du terrorisme, à l’Hôtel national des Invalides, à Paris, c’est elle. L’an passé elle a été reçue par le Président Sarkozy, devenant ainsi une sorte d’icône de la lutte antiterroriste. En septembre devant les participants au symposium des Nations Unies organisé par le Secrétaire général Ban Ki-Moon, on a encore entendu sa voix, une voix à la fois chaleureuse et terriblement prenante.
Elle a ainsi largement contribué à mettre au premier rang des préoccupations les victimes dans le domaine de la sécurité.
Mais lors du symposium elle a lancé une initiative majeure qui n’a pas été retenue : elle a souhaité l’adoption rapide par l’ONU d’une Convention générale sur le terrorisme international et l’inclusion du terrorisme dans les compétences de la Cour pénale internationale (CPI). La Présidente de « SOS Attentats » s’est dite convaincue que seule la justice permet de lutter contre le terrorisme et que l’impunité devait être rejetée, ajoutant qu’une meilleure coopération policière et judiciaire doit être mise en place au sein de l’Union européenne et de la communauté internationale tout en respectant les droits de la défense et des victimes.
Et c’est probablement là où le bât blesse. Tout le monde est d’accord pour avancer, sans avancer plus.
Aujourd’hui elle constate que nombre de procédures judiciaires se sont heurtées à divers obstacles. Et d’abord à la « raison d’Etat », comme dans l’affaire du DC-10 d’UTA qui a sauté au-dessus du Tchad en 1986. La Libye a été accusée, certains auteurs identifiés, mais les citoyens libyens condamnés à Paris en 1999 n’ont jamais été extradés vers la France et « les relations avec la Libye ont été normalisées en dépit des 170 morts », dénonce-t-elle. Elle tempête aussi contre la « lenteur judiciaire ». Sans compter sa propre affaire jamais tirée au clair, restent au point mort des procédures sur les attentats revendiqués par Carlos en 1982-83 ou encore sur la bombe à la station Port-Royal en décembre 1996. Troisième obstacle et non des moindres : l’absence de coopération judicaire entre les pays.
Mme Rudetzki a donc considéré qu’à 60 ans il était temps de passer la main… à l’Etat, auquel elle suggère de mettre en place « une structure avec des moyens humains et financiers plus importants ».
L’Association ne serait plus un outil adapté.
Il faut dire qu’elle a perdu voilà un an son plus efficace soutien quand le juge d’instruction Jean-Louis Bruguière a pris sa retraite après avoir longuement mais en vain ferraillé pour faire déboucher sur une véritable procédure judiciaire l’enquête sur l’attentat du DC10. Entre temps le Président Muhamar Kadhafi a été reçu à l’Elysée. Les paroles ne suffisent pas, notre héroïne a tiré ses conclusions en se retirant de la scène publique.