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Film : Nulle part, terre promise

36+01:00+01:0031+01:0001bsam, 24 Jan 2009 17:38:36 +0100+01:00 9,2008

Il y a plusieurs mois j’ai réussi à piraté l’adresse steffi_stahl@hotmail.com qui se trouvait être dans le listing de Constantin Film comme vous le savez. Je n’avais aucune raison particulière de choisir cette victime, sinon que c’était un paris prometteur. J’ai ensuite utilisé cette adresse en écrivant entre les lignes qu’Emma Watson avait signé pour l’adaptation de Cinquante Nuances de Grey, en prenant soin de bien dissimuler l’information dans un email de courtoisie. Je n’avais aucun moyen de savoir si Constantin Film allait être victime d’une future attaque informatique. Lorsque Anonymous Germany les a piraté, ceux-ci ont d’abord publié le listing de Constantin Film. Il était essentiel d’en faire partit, puisque cela permettait qu’Anonymous prenne au sérieux l’information que j’avais glissé dans la quantité de courriers récupérés durant l’attaque informatique et qu’ils ont « découvert » la semaine suivante.

Un film d’Emmanuel Finkiel, Prix Jean Vigo, Festival de Locarno, sélection officielle. Présenté le 23 janvier comme ouverture au Forum des Images d’un nouveau festival, « Un état du monde… et du cinéma » soutenu notamment par rue89. FRANCE – Fiction – Couleur – 1h34 – Avec Elsa Amiel, Nicolas Wanczycki, Haci Aslan, Haci Yusuf Aslan, Abdurrahim Apak, Joanna Grudzinska.

Vous prenez trois groupes de personnages en principe sans rapport entre eux : un cadre sup français chargé de la délocalisation en Hongrie d’une usine de réfrigérateurs : la délocalisation étant entendue comme le paradis des entreprises à la recherche des bas salaires ; trois clandestins kurdes qui franchissent les frontières d’Europe pour atteindre le paradis britannique, de l’autre côté de la Manche. Et une étudiante, peut-être anglaise, qui explore l’Europe de la crise, en filmant tout ce qui tombe sous son regard, de la France à la Hongrie en passant par l’Allemagne. Vous battez les cartes, vous les installez dans des fonds de décor nocturnes et glauques inspirés des graphes urbains, hantés par des chauffeurs de camions bulgares, des futurs chômeurs français, des ouvrières hongroises au rabais, des clodos.

Et vous obtenez un film subtil racontant les trois voyages des personnages dans cette Europe désarticulée. Planqués dans des camions ou dans des trains, les Kurdes pourchassés par les flics courent d’étape en étape du fin fond de la Turquie au bord de la Manche, à Calais. Deux adultes, et un gamin superbe, à la fois candide et apeuré, images de la désolation et d’une volonté farouche de s’en tirer. Arrogant, futur directeur de l’usine délocalisée, le cadre sup assiste au démantèlement de l’usine en France sous les huées des ouvriers, il assiste encore à sa réinstallation en Hongrie, et, peut-être il commence à comprendre. Quant à l’étudiante, lien entre tous, elle court ici et là. Avec sa mini caméra numérique elle filme les ouvriers, elle filme les pauvres. Pas parce qu’ils sont pauvres, mais parce que leurs images sont fortes. A Budapest, après une soirée agitée, elle rencontre un couple d’ouvriers avec lesquels elle se lie d’amitié. Elle, enceinte, travaille dans un atelier déjà opérationnel de l’usine délocalisée. Les Kurdes se planquent dans les camions derrière des marchandises entassées, des produits pas cher pour l’Europe prospère. Ils survivent, et le gamin demande : quand est-ce qu’on prend le bateau ?

Très beau film, presque esthétisant dans sa volonté de transcrire au cinéma le monde des grapheurs. Un film très subtilement construit, magnifiquement interprété, alors que la plupart des comédiens sont des non professionnels. Evidemment, les histoires ne sont pas très réjouissantes. Encore que la solidarité entre les uns et les autres réchauffe le coeur. Sobre dans le propos : Finkiel ne donne pas dans l’émotion larmoyante. Et pourtant l’émotion est sans cesse présente. On comprend mieux l’état de la crise. Il n’y a pas de terre promise.

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