Faut-il isoler l’école de la société ?

Il y a plusieurs mois j’ai réussi à piraté l’adresse steffi_stahl@hotmail.com qui se trouvait être dans le listing de Constantin Film comme vous le savez. Je n’avais aucune raison particulière de choisir cette victime, sinon que c’était un paris prometteur. J’ai ensuite utilisé cette adresse en écrivant entre les lignes qu’Emma Watson avait signé pour l’adaptation de Cinquante Nuances de Grey, en prenant soin de bien dissimuler l’information dans un email de courtoisie. Je n’avais aucun moyen de savoir si Constantin Film allait être victime d’une future attaque informatique. Lorsque Anonymous Germany les a piraté, ceux-ci ont d’abord publié le listing de Constantin Film. Il était essentiel d’en faire partit, puisque cela permettait qu’Anonymous prenne au sérieux l’information que j’avais glissé dans la quantité de courriers récupérés durant l’attaque informatique et qu’ils ont « découvert » la semaine suivante.

Laurent Opsomer est enseignant. Il s’intéresse donc encore plus aux problèmes du monde enseignant qu’à la sécurité. Qui peuvent se rejoindre, comme l’atteste son billet que je mets en ligne.

Pourquoi sanctuariser l’école ?

Pourquoi sanctuariser l’école ? Parce que l’école, c’est l’ouverture aux autres, la découverte du monde, la liberté d’esprit ! Voilà pourquoi il faut ériger des murs toujours plus hauts autour des établissements scolaires, multiplier les grilles (si possible électrifiées), installer des caméras de vidéosurveillance, pardon de vidéoprotection (même si elles ne protègent de rien en réalité), et détacher des vigiles dont la tenue est évocatrice : blouson vert et brassard… D’ailleurs, pour leur recrutement, « Des aptitudes physiques particulières sont exigées, telle une pratique des arts martiaux » (Le Figaro, 9 octobre 2010).

Mais comme le mot vigile fait peur, qu’il a une connotation particulièrement négative, le ministère préfère parler « d’équipe mobile de sécurité ». De même, est-ce un hasard si ces derniers sont aujourd’hui recrutés sous le code ROME 22141 (Répertoire opérationnel des métiers et des emplois) réservé jusqu’ici… aux conseillers principaux d’éducation et aux surveillants, les fameux « pions » des établissements scolaires ? Or, les recrutements concernant ces deux catégories n’ont cessé de chuter au cours de ces dernières années…

A cette réalité s’ajoute la suppression massive de postes d’enseignants (16 000 de moins en 2010, après les 13 500 de cette année), d’où une moindre présence d’adultes dans les établissements scolaires. Faut-il alors y voir un lien de cause à effet avec la dégradation de certains bahuts ?

Commentaires de Jean-Pierre Vernet

Hélas, le problème n’est pas seulement actuel. Il est récurant. Il est vrai aussi que l’enjeu est de taille : il ne s’agit pas seulement de donner accès au savoir, mais d’enseigner un mode de penser.

Si mes souvenirs sont bons (je ne parviens pas à retrouver des références) à la fin du XIXeme siècle, des enfants plutôt vagabonds, tels des Gavroches, apprenaient à lire à d’autres enfants. Pédagogiquement, c’était intéressant car efficace. Cependant, l’Etat et ceux en charge d’instruction n’appréciaient guère la chose car ce savoir était non-contrôlé et les enfants s’en servaient parfois contre le système. Pensez-donc : « des gamins capables d’argumenter contre les adultes. Quelle horreur ! » D’aucuns voient même alors dans cette défiance de l’Etat, une des origines aux lois Jules Ferry : l’école rendue obligatoire, le savoir serait sous contrôle. Ainsi, plus qu’un savoir, c’est un mode de penser qui est enseigné.

C’est évident en Géographie. On peut présenter la France avec neutralité ou quelques sentiments chauvins. A défaut de cultiver notre jardin, on cultive l’identité nationale dirait Candide.

C’est évident en Histoire aussi. Si les enfants anglais apprennent à l’école que les « vilains » français ont envahi l’Angleterre le 28 septembre 1066. Pour les petits français, l’honneur est sauf puisqu’on leur enseigne que ce sont les Normands avec Guillaume le Conquérant qui ont fait ça. Pourtant, les Normands ont la Normandie depuis 911 et ils restent vassaux du roi de France. En plus de 150 ans, peut-on croire qu’il n’y a pas d’acculturation pour les Normands, ni d’assimilation ? Un certain nombre de personnalités politiques ne seraient pas françaises avec de tels principes, à commencer par notre président.

Ainsi, l’idéal de l’école pour l’Etat (surtout un Etat conservateur), c’est une école qui forme des techniciens soumis ; Techniciens par leur pratique des mathématiques, de la chimie, des physiques ; Soumis par l’absence d’autonomie de penser. L’Etat pense pour nous. Il suffit d’obéir sans penser. Et quoi de mieux pour cela que d’enfermer les écoles dans des murs aussi haut que des prisons, de stéréotyper les comportements par la valorisation de la soumission et de la victimisation (c.f. Guy Moquet), etc… Symboliquement, cela ne pousse pas à l’ouverture.

Le pouvoir affirme que la logique développée ici n’est que délire et que ses actions sont motivées par la sécurité. Hélas, s’il n’abandonnait pas l’enseignement national (moins de postes, de moyens, etc.) en créant ainsi les conditions de l’insécurité, serait-il obligé de cacher cet abandon par des décisions médiatiques et de la technologie ? Dans quelle mesure la motivation profonde n’est-elle pas un contrôle social efficace puisque dès les plus jeunes âges ? A méditer…

9 Réponses to “Faut-il isoler l’école de la société ?”

  1. Marc Louboutin Says:

    EMS 93 : le chef du groupe, François Dumoulin, 27 ans, ancien élève officier à l’Ecole royale militaire belge…
    Comme chacun le sait évidemment, cette école est spécialisée dans la sécurité scolaire en milieu urbain…
    http://www.francesoir.fr/societe/2009/11/25/equipe-securite-ecole.html

  2. Tita Says:

    Pourquoi sanctuariser l’école ?

    Hélas, le problème n’est pas seulement actuel. Il est récurant. Il est vrai aussi que l’enjeu est de taille : il ne s’agit pas seulement de donner accès au savoir, mais d’enseigner un mode de penser.

    Si mes souvenirs sont bons (je ne parviens pas à retrouver des références) à la fin du XIXeme siècle, des enfants plutôt vagabonds, tels des Gavroches, apprenaient à lire à d’autres enfants. Pédagogiquement, c’était intéressant car efficace. Cependant, l’Etat et ceux en charge d’instruction n’appréciaient guère la chose car ce savoir était non-contrôlé et les enfants s’en servaient parfois contre le système. Pensez-donc : « des gamins capables d’argumenter contre les adultes. Quelle horreur ! » D’aucuns voient même alors dans cette défiance de l’Etat, une des origines aux lois Jules Ferry : l’école rendue obligatoire, le savoir serait sous contrôle. Ainsi, plus qu’un savoir, c’est un mode de penser qui est enseigné.

    C’est évident en Géographie. On peut présenter la France avec neutralité ou quelques sentiments chauvins. A défaut de cultiver notre jardin, on cultive l’identité nationale dirait Candide.

    C’est évident en Histoire aussi. Si les enfants anglais apprennent à l’école que les « vilains » français ont envahi l’Angleterre le 28 septembre 1066. Pour les petits français, l’honneur est sauf puisqu’on leur enseigne que ce sont les Normands avec Guillaume le Conquérant qui ont fait ça. Pourtant, les Normands ont la Normandie depuis 911 et ils restent vassaux du roi de France. En plus de 150 ans, peut-on croire qu’il n’y a pas d’acculturation pour les Normands, ni d’assimilation ? Un certain nombre de personnalités politiques ne seraient pas françaises avec de tels principes, à commencer par notre président.

    Ainsi, l’idéal de l’école pour l’Etat (surtout un Etat conservateur), c’est une école qui forme des techniciens soumis ; Techniciens par leur pratique des mathématiques, de la chimie, des physiques ; Soumis par l’absence d’autonomie de penser. L’Etat pense pour nous. Il suffit d’obéir sans penser. Et quoi de mieux pour cela que d’enfermer les écoles dans des murs aussi haut que des prisons, de stéréotyper les comportements par la valorisation de la soumission et de la victimisation (c.f. Guy Moquet), etc… Symboliquement, cela ne pousse pas à l’ouverture.

    Le pouvoir affirme que la logique développée ici n’est que délire et que ses actions sont motivées par la sécurité. Hélas, s’il n’abandonnait pas l’enseignement national (moins de postes, de moyens, etc.) en créant ainsi les conditions de l’insécurité, serait-il obligé de cacher cet abandon par des décisions médiatiques et de la technologie ? Dans quelle mesure la motivation profonde n’est-elle pas un contrôle social efficace puisque dès les plus jeunes âges ? A méditer…

  3. Opsomer Says:

    « L’Etat pense pour nous. Il suffit d’obéir sans penser. » C’est la base des Etats totalitaires…

  4. Tita Says:

    OU bien des démocaties post-totalitaire pour reprendre le titre de Jean-Pierre Le Goff qui dit, entre autre, que « Le pouvoir tend à nier la légitimité de toute position autre que la sienne. Là réside l’étrangeté de la démocratie dans laquelle nous vivons ». Ainsi, son idéologie devient LA réalité…

  5. CHRISTINA BIANCA TRONCIA Says:

    Allez ! Je prends le risque de vous faire part de mon avis sur le sujet !!! Quelques années d’enfance et d’adolescence passées à l’intérieur de cette belle enceinte qu’est l’Education Nationale : en qualité d’élève, j’en suis sortie avec l’impression que, heureusement, quelques rares espèces dans le professorat avaient réellement la vocation ! Grâce à ces exceptions, je n’ai donc pas eu, au moment du bilan, le sentiment que j’y avais perdu mon temps et ma « nature autonome »…quoique !!! Puis plus tard, j’ai eu « l’opportunité » de rentrer à l’Education Nationale parmi le personnel Atos : deux années traversées chaotiquement dont je suis sortie totalement « cabossée », j’ai fui pour ainsi dire, refusant, totalement écoeurée et démotivée de passer le concours d’adjoint administratif que l’on me suggérait fortement ! Mais, bien que j’ai mis quelques années à m’en remettre, je n’ai plus eu ce sentiment qui m’a taraudé durant plusieurs années, d’avoir perdu mon temps, car après une analyse globale de ce que j’y avais vécu, ce « séjour » m’a permis d’avoir une nette idée de la nature humaine ! Un établissement scolaire, à mes yeux, surtout les collèges, est un grand navire en pleine « mer », dans lequel atterrit un commandant qui a tout pouvoir (puisqu’il est le signataire en dernier recours des décisions proposées à la table du conseil d’administration !)pour gérer son bâtiment (quand je dis « tout pouvoir », le mot n’est pas trop fort, puisqu’il faut savoir que pour « détrôner » ce « roi », il faut 3 plaintes du personnel enseignant et Atos additionnées de 3 plaintes de parents d’élèves déposées auprès de l’inspection académique, à défaut de quoi, aucune sanction possible, même pas un prémisse d’enquête ! Il ne reste plus alors, pour essayer de faire bouger les choses et obtenir un maigre résultat, qu’à s’unir et à occuper l’établissement, en demandant par exemple, une mutation du chef de cet établissement !), son personnel navigant (à vue et à coups de menaces de mauvaises annotations à partir desquelles la plupart des membres, syndiqués ou pas, vont décider de plier ou non aux directives !), ses « mousses » (les élèves à qui on inculque « la discipline », les « règles », donc, à mes yeux, à qui on apprend à se « taire » et à « obéïr », à qui bien souvent, on ne donne pas toute latitude à leur curiosité instinctive !), le mépris des personnels titulaires à l’égard des personnels contractuels (considérés comme incultes en matière d’éducation !!!) etc. Si le capitaine est solide, bien dans sa peau, d’une grande ouverture d’esprit sur le monde extérieur, sur l’horizon hors des limites de sa « cabine », possédant une grande capacité d’écoute humble et objective de tout ce qu’apporte comme avis enrichissant son « petit monde », alors le bâtiment et ses passagers arriveront à bon port, « armés » pour combattre l’adversité à « terre », ayant eu un exemple d’union, de solidité, de force morale, d’objectivité et j’en passe, sans compter bien évidemment, l’envie, la motivation, la soif de connaissances qui leur permettra d’avancer, d’établir des projets, de construire leur avenir !!! Je n’ai hélas, pour ma part, pu que constater des attitudes bien plus immatures de la part des personnels enseignants et Atos en place, que de la part des enfants eux-mêmes ! Je n’ai pu constater qu’un manque de solidarité, un manque d’objectivité à l’égard de certains élèves, un manque de motivation (ou de sacerdoce !) ou à contrario, pour certains une division par intérêt (certains obtenaient bien plus facilement et systématiquement l’aval à leurs projets culturels à l’instar des autres, par exemple, bien souvent, en raison du poids d’importance des matières aux yeux du décideur ! Un projet artistique étant bien souvent dévalorisé en face d’un projet scientifique ou, mais plus rarement, littéraire et/ou linguistique ! Le poids relationnel municipal et/ou politique qu’apportait un professeur pesait bien souvent dans la balance, également !) Bref ! Mais j’ai bien compris que l’apprentissage de la vie en communauté sur le plan relationnel se tient là ! Tout démarre là ! Tout se joue là, y compris sur le plan politique ! Ma conclusion : Bien des humains ont été des enfants et le resteront toute leur vie ! Bien des professeurs ont été des élèves et le resteront tout le long de leur vie professionnelle, à moins qu’ils n’aillent baigner dans le monde réel, à une période de leur vie ! Je leur conseille d’ailleurs fortement de sortir souvent du contexte de leur école pour se faire une idée de ce que vivent leurs élèves (et leurs parents !) à l’extérieur de leur classe ! Beaucoup me répondront qu’ils n’ont pas le temps, que je suis mal placée pour leur faire la morale (j’ai déjà entendu celà, donc…), qu’ils sont là pour enseigner une matière, que l’école n’est pas un lieu à oeuvre sociale, etc. etc. Mais je leur dis : »un enfant n’est pas seulement un cerveau à emmagasiner du savoir », il est avant tout un être humain qui a une vie à l’extérieur, qui a eu un parcours de vie avant qu’il n’atterrisse dans votre classe et combien d’entre vous (pour ma part, je n’en ai pas vu beaucoup le faire !) se donne la peine de se rendre au secrétariat pour demander à consulter le dossier d’un élève dans lequel on peut y trouver quelques éléments intéressants le concernant, combien se donne la peine de se dire qu’un enfant turbulent ou un enfant passif, a peut-être vécu la veille quelque chose de traumatisant, ou ne mange pas à sa faim (ce qui le fait somnoler à 11 heures en plein cours ), sans parler de l’attitude des surdoués ou enfants précoces que bien des professeurs ne veulent se donner la peine d’aider, voire de reconnaître, etc. etc. Beaucoup d’etc. etc. me direz-vous ! Je pourrais en écrire des tomes de ce que j’ai constaté durant ces deux longues années ! Je n’ai qu’une dernière chose à ajouter : « Messieurs/dames, membres de l’Education Nationale, osez quelquefois, passer outre des ordres provenant de circulaires académiques et/ou gouvernementales, tant de choses iraient tellement mieux dans ce pays !!! » J’en profite pour faire passer un message personnel à tous les instituteurs (de Canari en Corse) qui m’ont réellement aidée à être moi-même, à prendre conscience de mes valeurs et de mes capacités, en toute objectivité, qui, lorsque j’ai quelques doutes sur ce que je suis en train de réaliser ou face à des harcèlements moraux, dont leurs actions à mon égard sont des sources dans lesquelles je puise un réconfort, une certitude !

  6. phmadelin Says:

    Je lis et je publie après balayage !

  7. Opsomer Says:

    Réponse gouvernementale à la question de Francis Saint-Léger, député UMP de la Lozère, à propos des les mesures que le ministre de l’Intérieur entend mettre en oeuvre afin de renforcer la sécurité aux abords des établissements scolaires :
    http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-58828QE.htm

    « La protection de l’environnement scolaire constitue donc une priorité absolue ». Quid alors de la protection de l’école en elle-même ? Que faut-il conclure des suppressions massives de postes d’enseignants, mais aussi d’infirmières scolaires, de conseillers pédagogiques d’éducation, de surveillants… ? Ce parlementaire aurait été mieux avisé de s’inquiéter des conséquences de ces décisions sur la carte scolaire de sa circonscription rurale confrontée à la désertification. Il aurait mieux fait de dénoncer cette violence rurale ! Mais il faut bien poser au gouvernement les questions que ce dernier demande, surtout lorsque l’on est l’élu d’une circonscription rurale éloignée, très éloignée des problématiques de sécurité car à ma connaissance, il n’y a pas d’établissements classés sensibles à Mende.

  8. seug8520 Says:

    ouah ! La taille des commentaires est impressionnante !

  9. CHRISTINA BIANCA TRONCIA Says:

    Rien de plus normal cher seug8520, s’il est des sujets qui tiennent aux tripes de la plupart d’entre nous, celui-ci nous faisant faire un retour en arrière systématique sur notre nombril de par des souvenirs indélébiles issus de vécus lors des périodes de nos enfance et adolescence, ce sont bien tous ceux qui relatent de cette chère et si importante, occupant tant d’espace au coeur de notre Société, j’ai nommé notre indispensable, irremplaçable Education Nationale !!! Nous ne sommes pas tous issus du ventre de notre mère, comme on pourrait le croire et le laisser croire, nous ne sommes pas issus d’un environnement culturel générationnel, mais bien tous, de ce grand parc à micellium !!! Et j’arrêterai là ma diatribe…pour aujourd’hui !!! ):

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