Polices municipales et traitement des fichiers de contraventions routières

Mon contributeur Laurent Opsomer s’interroge sur la gestion de fichiers par les polices municipales

POLICES MUNICIPALES : LES FICHIERS MUNICIPAUX D’ANALYSE SÉRIELLE

Le 29 novembre dernier, Le Midi Libre rapportait, sous la plume de Yanick Philipponnat, la surprenante décision de justice obtenue par un avocat montpelliérain, Me Fernandez : arguant que les gardiens de police municipale ne sont pas habilités à rassembler des preuves en raison de leur statut d’APJA21 (1), l’avocat a obligé le tribunal correctionnel à reconnaître une nullité de procédure et, par la même, « épingle la vidéosurveillance de la ville, ou plus exactement la façon dont celle-ci a été utilisée de manière abusive par la police municipale » (2). Dès lors, on comprend l’émoi suscité par cette jurisprudence alors que le gouvernement fait une intense promotion (propagande ?) de la vidéosurveillance, pardon vidéoprotection auprès des collectivités locales, les caméras étant censées à la fois améliorer la sécurité de leurs concitoyens et compenser les baisses des effectifs programmées dans la police et la gendarmerie nationales.

Cette décision juridique va au-delà de la vidéosurveillance. En effet, un arrêté ministériel en date du 14 avril 2009 autorise la mise en œuvre de traitements automatisés dans les communes ayant pour objet la recherche et la constatation des infractions pénales par leurs fonctionnaires et agents habilités. Son article 5 spécifie que « Les traitement automatisés de données à caractère personnel autorisés par le présent arrêté peuvent être mis en œuvre aux fins suivantes :

  • La recherche et la constatation d’infractions, au moyen de la tenu du registre de « main courante » destiné à enregistrer les interventions des agents verbalisateurs ;
  • L’élaboration et le suivi des rapports et procès-verbaux d’infractions ;
  • Le suivi du paiement des amendes forfaitaires. »

Personne n’a, cependant, relevé la subtilité juridique, pas même la Cnil pourtant saisie pour avis (délibérations n°2008-304 et n°2008-305 du 17 juillet 2008). Recherche et constatation. Or, au vu de l’article 21 du Code de procédure pénale, mis en exergue par l’avocat et cité par les textes indiqués, n’yant pas la qualité d’Officiers de Police judiciaire, les agents de police municipale ne recherchent pas mais recueillent les informations visant des infractions pénales. Ne pas prendre en compte cet impératif revient à empiéter sur les prérogatives de la police judiciaire, donc à s’exposer à une nullité de procédure. Ces fichiers d’analyse sérielle sont ainsi entachés d’une irrégularité qu’exploitera avec intelligence le moindre avocat, fût-il débutant, pour obtenir la nullité de toute exploitation judiciaire desdits fichiers municipaux ou attaquer pour illégalité un quelconque arrêté à ce sujet.

Comment expliquer cette négligence des services juridiques de l’Etat ? Pourquoi cette obstination politique à maintenir le terme erroné de « recherche » en lieu et place de celui de « recueil » pourtant conforme à la législation en vigueur ? Les prochains débats dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure apporteront vraisemblablement une réponse partielle à ces interrogations, notamment lorsque seront discutés les articles 10 et 11.

(1) Les gardiens de police municipale ont le statut d’agent de police judiciaire adjoint conféré par l’article 21 du Code de procédure pénale. En cette qualité, ils ont une triple mission :

  • seconder, dans l’exercice de leurs fonctions, les officiers de police judiciaire (OPJ) ;
  • rendre compte de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance par voie de rapports destinés au maire et au procureur de la République ;
  • constater les infractions à la loi pénale et recueillir les renseignements en vue d’en découvrir les auteurs.

(2) Début septembre 2009, les agents du CSU (Centre de surveillance urbain) repèrent ce qu’ils pensent être un trafic de haschich du côté du Petit-Bard (Montpellier), depuis plusieurs jours et entre plusieurs individus. Les agents sélectionnent alors quelques séquences de vidéo qu’ils remettent à la police nationale. Et cette dernière, preuve à l’appui, procède à l’arrestation de deux suspects, de la résine de cannabis et quelques centaines d’euros étant saisis.

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